Travail du jeune cheval

Publié le par pico-ti

Pour introduire mon propos, je commencerais par citer un article du Dr Deb Bennett, concernant la croissance du squelette du cheval:


"Tous les Chevaux, de toutes les races, se développent à la même vitesse du point de vue du squelette
J’aimerais débattre du concept de la maturité du squelette. Si un cheval de 2 ans et demi n’a pas atteint la maturité, ce n’est pas parce qu’il appartient à une race tardive ou un individu qui se développe lentement. Cela n’existe pas d’un point de vue du squelette : Aucun cheval sur la terre, de n’importe quelle race, à n’importe quelle époque n’a jamais atteint sa maturité avant l’âge de six ans (plus ou moins 6 mois). Donc, par exemple, le Quarter Horse n’est pas une race précoce, pas plus que l’arabe n’est une race tardive. Leurs squelettes se développent de la même manière. Cette information peut paraître choquante pour beaucoup de gens qui pensent que débourrer leur cheval sous la selle à deux ans est ce qu’ils doivent faire à cause de sa race ou de son apparente maturité. Cela demande également une clarification quant à ce que j’appelle maturité.
 - Quand est-ce que le squelette du cheval atteint sa maturité?
A peu près tout le monde a entendu parler du cartilage de croissance, et généralement quand je leur demande, beaucoup me répondent que les cartilages de croissance se situent quelque part dans le genou du cheval (en fait ceux que ces gens connaissent sont situés en dessous du radius-ulna juste au dessus du genou). Ce que les gens ne réalisent pas c’est qu’il y a des cartilages de croissance de chaque côté de chaque os derrière le crâne et dans le cas de certains os, (comme le bassin qui a beaucoup ‘d’angles’) il y a de multiples cartilages de croissance.
 - Est-ce que cela veut dire que vous devez attendre que tous ces cartilages de croissance se soient ossifiés avant de monter votre jeune cheval ? Non, mais plus vous attendez, le moins de risques vous prenez. Les propriétaires et professionnels doivent réaliser qu’il existe un « agenda » d’ossification défini et facile à retenir. – et ensuite prendre leur décision quand monter leur cheval sur base de cette connaissance plutôt que sur base de l’apparence extérieure du cheval. Parce qu’il y a des races, le Quarter Horse entres autres, qui ont été conçus de telle manière qu’ils paraissent ‘matures’ bien avant qu’ils ne soient en réalité. Cela défavorise ces chevaux soit par l’ignorance du processus d’ossification ou parce que les gens préfèrent suivre leur propre agenda (en vue de la compétition par exemple) que de s’inquiéter du bien-être du cheval.
 Si vous faites partie des personnes pour qui débourrer veut dire monter, alors vous êtes mieux de ne pas débourrer votre cheval avant quatre ans. Selon la méthode traditionnelle, cela donnerait ceci : introduisez toutes sortes d’équipements et de situations quand il a deux ans, montez et descendez de son dos quand il en a trois et commencez à vous mettre en selle et à lui apprendre la direction à quatre ans, apprenez-lui son job quel qu’il soit à 5 ans pour qu’il soit ‘mis’ à six ans.
 - Agenda de la conversion des cartilages de croissance en os (ossification)
Le processus de conversion des cartilages de croissance en os se fait de bas en haut de l’animal. En d’autres mots, plus on descend vers les sabots, plus tôt la fusion des cartilages aura lieu et plus on se rapproche du dos de l’animal, plus cette fusion se fait tard. Le premier cartilage à s’ossifier, à la naissance, est la troisième phalange (os du pied). Dans l’ordre croissant viennent ensuite :
• Deuxième phalange – haut et bas – entre la naissance et 6 mois.
• Première phalange – haut et bas – entre 6 mois et 1 ans.
• Canon – haut et bas – entre 8 mois et 1.5 ans.
• Petits os du “genou” –entre 1.5 an et 2.5 ans.
• Bas du radius-ulna –entre 2 ans et 2.5 ans.
• Portion “porteuse” du glenoïde en haut du radius entre 2.5 ans et 3 ans.
• Humérus – haut et bas – entre 3ans et 3.5 ans.
• Omoplate – portion porteuse (bas) – entre 3.5 ans et 4 ans
• Postérieurs – bas identique aux antérieurs ci-dessus.
• Jarret – cette articulation est « tardive » vu sa place assez « basse ». Les cartilages de croissance entre le tibia et le tarse ne fusionnent (s’ossifient) pas avant que le cheval n’ait quatre ans (raison pour laquelle les jarrets sont connus comme étant un « point faible » et est même documenté dans la littérature du 18ème siècle)
• Tibia – haut et bas, entre 3 ans et 3.5 ans
• Fémur – haut et bas, entre 3 ans et 3.5 ans
• Encolure – entre 2.5 ans et 3 ans
• Bassin – les cartilages de croissance des pointes de la hanche, dessus de la croupe et pointe de la fesse (tuber ischii) – entre 3 et 4 ans
- Et quelle partie du squelette est la dernière à s’ossifier pensez-vous ? La colonne vertébrale bien sur. Un cheval a normalement 32 vertèbres entre l’arrière de son crâne et la naissance de la queue, et il y a plusieurs cartilages de croissance sur chacune d’entre elles. Les vertèbres ne terminent pas leur ossification avant que le cheval ait atteint au moins 5 ans et demi (et ceci concerne un petit cheval massif, plus le cou du cheval est long, plus tard les fusions se produiront… et pour un mâle, vous ajoutez systématiquement six mois. Donc pour un cheval d’1m70 de type demi-sang, cette maturité peut n'être complète qu’à 8 ans.)
 - Les dernières vertèbres à fusionner complètement sont celles à la base de l’encolure (raison pour laquelle les chevaux ayant un cou plus long peuvent atteindre leur maturité après 6 ans – c’est la base qui grandit encore). Donc vous devez être prudents – très prudents – de ne jamais forcer l’encolure d’une jeune cheval (par exemple lui apprendre l’attache en le laissant se débattre)."

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Cet article évoque essentiellement les conséquences (néfastes) du travail monté sur un squelette de jeune cheval. Mais la "mode" actuelle, qui consiste à manipuler  et plier le poulain dans tous les sens dès son plus jeune est également largement concernée! Le travail à pied est composé d'exercices extrêmement contraignant pour les articulations, tels que le reculer, les flexions, les "croises papattes", les cercles... Ces exercices répétés maintes et maintes fois tout au long de la croissance (et souvent de la vie adulte) du cheval, requièrent souplesse, musculature et coordination pour être réalisés correctement. Nous n'avons pas encore assez de recul vis à vis de ces pratiques pour que des études aient été menées sur les  conséquences de ces méthodes de travail du (très) jeune cheval. Cependant,  il a été prouvé que la répétition de certains mouvements dans le sport causait une détérioration précoce des articulations, et d'autres dégradations chez les jeunes sportifs.

Et même remarque pour les sorties en turkmène. Certes, dans la nature, les poulains marchent pour suivre leur mère sur plusieurs kilomètres quotidiennement. Mais il y a 3 différences fondamentales : - D'abord, les déplacements en troupeau se font essentiellement au pas, contrairement aux sorties en turkmène ou l'on va souvent aux 3 allures.  - Ensuite, en turkmène, le poulain est contraint de suivre l'allure d'un cheval entrainé, donc en souffle et en muscles. - Enfin,  le poulain n'a pas le même avenir ni la même espérance de vie.  Le squelette des chevaux "sauvages" n'aura pas à porter de cavalier, à sauter des obstacles ou à  réaliser appuyers et pirouettes pendant 20 ans, voire plus! Si nous voulons que nos chevaux modernes nous portent loin et longtemps, autant ne pas les user prématurément.

 

L'usure physique est une chose, mais qu'en est-il du moral du jeune cheval?

Plus un animal est jeune, et plus sa capacité de concentration est limitée. Une séance de travail de 30 min va lui sembler durer une éternité! Il ne pourra pas rester concentré et appliqué durant tout ce temps. Par ailleurs, répéter des centaines de fois les mêmes mouvements n'a franchement rien d'épanouissant!  A cela ajoutons le fait que ce travail s'effectue le plus souvent dans un lieu étroit et clos (rond de longe, manège, carrière) comme le conseillent de nombreux pros, afin d'avoir toute l'attention du cheval, qui du coup, n'a pas vraiment d'autre choix que de faire ce qu'on lui demande. Pas étonnant, qu'après de nombreux mois (voire années) à faire des choses aussi peu intéressantes, rébharbatives, le poulain ne réagisse même pas quand un cavalier lui grimpe sur le dos! Ce n'est pas là une marque de confiance, mais de la soumission.

Certes, c'est pratique un cheval mécanidé et routiné dès son plus jeune âge, mais suis je la seule à être attristée de voir un cheval totalement éteint et blasé de tout, à un âge où il devrait être vif, curieux et enjoué?

 

Certains me diront donc d'un ton ironique "alors il faudrait laisser le cheval dans un pré sans rien lui demander jusqu'à la fin de sa croissance?".

Comme si il n'existait aucune nuance entre tout et rien...

 

Adapter nos demandes aux capacités physiques et mentales n'est pas chose facile. On en veut souvent trop, parce que le poulain semble vite apprendre, parce qu'on a beaucoup de temps à lui consacrer, parce qu'on a peur qu'il nee soit pas "prêt" pour son débourrage, parce qu'on a peur qu'il s'ennuie, pour épater la galerie.... Pourtant, il est tout à fait possible de proposer à son jeune cheval des activités épanouissantes et ludiques sans tomber dans la routine et l'automatisation.

- les promenades en main: non, ce n'est pas la même chose que des sorties en turkmène. Moins fatiguant physiquement, car un pas d'humain est moins rapide qu'un pas de cheval, qu'on va souvent moins loin, avec moins de trot (et de galop!) que lorsqu'on est à cheval. Du coup, le poulain a également plus le temps d'observer son environnement. Excellent exercice pour la confiance et l'indépendace aussi, puisque le poulain doit s'en remettre à son humain et non à un autre cheval pour franchir les passages difficiles.

- la désensibilisation à toutes sortes d'objets aiguise la curiosité du cheval. Marcher sur un drap ou une bâche, passer sous une banderolle, monter sur un rocher, renifler un parapluie... autant d'activités qui intéresseront le poulain et qui lui apprendront progressivement à prendre confiance en lui et en vous.

- les manipulations quotidiennes, trop souvent oubliées, ou considérées comme un but, et non comme un moyen. Si je fais régulièrement un petit pansage à mon poulain, j'aurais forcément besoin de lui faire tourner les hanches sur 2 pas, reculer un pied... ces gestes viennent tout naturellement, dans l'action, et le jour ou on demande un vrai reculer à son cheval, il connait déjà le mouvement, et il est alors inutile de secouer la longe ou agiter le stick, ou pousser le cheval, un geste, et hop, il recule. Magique! 


Une dernière chose importante, et même la plus importante de toutes: Adapter nos exigences à l'âge du cheval. Certains exercices, comme les tours de cirque, ne sont absolument pas nécessaires à l'éducation ni à la préparation au futur travail, et ils peuvent même devenir nocifs ou dangereux. Un poulain qui aura une friandise à chaque jambette se mettra à gratter dès qu'il voudra un bonbon. Un autre se mettra à genou quand on voudra lui faire les pieds parce qu'il croiera qu'on lui demande une révérence. Et puis, pourquoi vouloir aller à l'encontre de la nature de son cheval, ou au contraire à encourager ses gestes de défenses en voulant absolument apprendre le cabré à un cheval un peu mou, ou à celui qui se met debout dès qu'il est inquiet?

En outre, l'adage qui veut que plus un exercice est appris tôt et mieux il est maitrisé est totalement faux! Vaut-il mieux s'acharner à vouloir apprendre à tout prix à son poulain de 1 an à faire des pas de côté, en répétant encore et encore et encore, jusqu'à ce qu'il s'éxecute correctement, ou attendre 6 mois ou 1 an de plus qu'il ait la maturité nécessaire pour réaliser cet exercice sans conflit? C'est sûr, attendre, c'est moins classe, ça fait moins de com' sur le blog.........   A chacun de fixer ses priorités.

 
 

 

Publié dans Réflexions

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S
Un super article =D<br /> Qui j'espère va beaucoup m'aider à me coporter avec ma pouliche de 2ans 1/2<br /> J'essaie de la sortir un petit peu et de lui faire faire des micro exercices (passer sous une branche, slalomer entre des arbres) mais je me demande si c'est vraiment bien pour elle. Peut être<br /> vaudrait-il mieu que j'évite de la soliciter ainsi.<br /> Combien de temps penser vous que doit durer une balade? (je ne veux pas trop lui en demander...)
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R
Bonjour je viens d'acquerir une pouliche de 2 ans et j'ai la meme vison des choses que vous .Elle ne sera débourrée qu'à partir de 4 ans .Je fais beaucoup de promenade à pied et je fais souvent<br /> brouter ma jument quand je vais la voir .<br /> Je pense d'abord à elle et a sa croissance quitte à passer pour une originale auprés de certain cavalier!!<br /> votre article me conforte dans mes choix. MERCI
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M
<br /> Bonjour,j'avoue que j'aurais pu écrire cet article (sauf la partie anatomique peut être?... Excepte concernant la tête...)<br /> Je suis ravie que des personnes s'indignent de l'exploitation abusive du cheval... J'ai moi même une pouliche SF de 20mois que j'eveille a raison de une séance de 20mns (pansage compris!) par<br /> mois... Et ça marche très bien!<br /> <br /> Je serai ravie d'échanger sur le sujet de temps a autre.<br /> <br /> Vous avez des jeunes chevaux aussi?<br /> <br /> Encore bravo pour cet article!<br /> <br /> Muriel<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Coucou STL!<br /> Merci pour ton message!<br /> J'ai bien vu ton petit loulou (j'ai même mis un comm' sur une de tes photos MSN il y a quelques jours ;-) ) je suis très contente pour toi et vous souhaite une belle et longue route ensemble!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> oups! Wyfke pardon !<br /> <br /> <br />
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